
English follows.
Du traducteur universel de James T. Kirk* au glottophore** de Paul Laurendeau, notre rêve d’éliminer la barrière des langues ne date pas d’hier. La machine Google semble près du but, et il y a bien des oiseaux de malheur pour prédire la disparition du métier de traductrice à plus ou moins longue échéance. Alors, dans ce contexte, n’est-il pas téméraire de lancer une entreprise de traduction?
Cette question je me la suis posée, bien sûr. Je me suis demandé si L’expressive avait sa raison d’être. Je sais toutefois que, traduire, c’est bien plus que trouver des mots équivalents; c’est chercher à recréer dans la langue d’arrivée un effet similaire à celui produit par le texte original. Le ton, le contexte et le style comptent autant que les mots eux-mêmes, parfois même davantage. Il faut le savoir-faire d’une professionnelle pour bien communiquer tous les éléments de sens; et traduire, c’est communiquer.
Il y a quelques années, j’ai révisé un rapport traduit de l’anglais au français. Le ton était froid, administratif. Sauf dans les encadrés, où l’on présentait le témoignage de jeunes filles. On avait reproduit leur parler coloré, avec contractions et expressions familières. Si bien que je pouvais deviner leur personnalité derrière les mots. La lecture de leurs témoignages m’a émue d’autant plus qu’ils tranchaient avec le reste du rapport. Hélas! dans la traduction, il ne subsistait rien de cette couleur. Le sens des mots utilisés avait beau correspondre en gros à l’original, quelque chose d’essentiel manquait. La traduction avait changé le parler des filles en jargon bureaucratique, comme si elles avaient pris 30 ans d’un coup.
J’observe souvent le même genre de trahison dans la traduction des messages destinés aux médias sociaux. Parfois, c’est la fougue du texte original qui est perdue; parfois, on sacrifie des pans de sens au lieu de bien condenser pour respecter les contraintes d’espace. Les bévues sont aussi fréquentes dans les mots-clics et pseudos — la syntaxe des médias sociaux.
Rendre la jeunesse ou la fougue d’un texte — les couches de sens complémentaires — demande du savoir-faire, certes. Il faut aussi quelque chose en plus : de la créativité. Une touche d’humanité.

Translating feistiness
From James T. Kirk’s* universal translator to Paul Laurendeau’s glottophore,** humanity has long dreamed of eliminating the language barrier. Google seems close to that goal, and many people are predicting the disappearance of the translation profession in the not-too-distant future. In that context, what kind of fool starts a translation business?
I’ve wondered, of course, if launching L’expressive is a fool’s errand. But I also know that translating requires more than finding matching words; it means recreating an effect in the target language similar to the one produced by the original text. Tone, context and style are as important as the words themselves. Indeed, at times, they can matter more. Only a language professional has the know-how to ensure effective communication of all the layers of meaning, and translating is communicating.
A number of years ago, I reviewed a report that had been translated from English into French. The tone was formal except for a few text boxes quoting girls’ testimonials. The quotes reproduced the girls’ natural speech patterns of contractions and slang allowed their personalities to shine through. As a reader, their voices moved me, especially against the starkness of the rest of the report. However, in the translation, the girls’ speech was just as clinical as the report text. The words themselves were not wrong; more or less, they matched the original, yet a crucial layer of meaning had been lost. The translation had turned the girls’ words into bureaucratese. It was as if the girls had aged 30 years overnight.
The same type of betrayal often happens in the translation of social media content : the original feistiness is lost, the translation is detrimentally shortened because it was easier to drop information than to condense the meaning, or the tags and hashtags (the slang and syntax of social media) are not quite right.
Translating youth and feistiness—all those extra layers of meaning—takes skill. But it also requires something more. Creativity. A human touch.
* Personnage de la série télévisée Star Trek. | A character in the Star Trek television series.
** Dans le petit roman L’assimilande, ÉLP éditeur, 2011. | In the short novel L’assimilande (ÉLP éditeur, 2011).
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